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De la prostitution

En appui, mais avec un argumentaire, au texte de Pascale Wégimont, Dessous féminins - Sextruction : destruction massive du sexe.

Mon poil se hérisse toujours quand j’entends « c’est le plus vieux métier du monde ». Quoi de plus faux ! Et quelles preuves en avons-nous ? Aucune ! Forcément, puisque le nomade n’a probablement pas eu à payer (l’argent n’existant pas), ni le premier sédentaire, et que, à travers l’histoire de l’humanité, on a connu des sociétés matriarcales et d’autres patriarcales, des sociétés de classes rigides et d’autres perméables. Bref, c’est un mythe servant à justifier cette pratique, jadis associé à l’esclavage et non pas à un travail rémunéré, parfois découlant d’un rapport maître-élève (pédérastie), qui a pourtant été inconnue des Premières nations, pourtant actives sexuellement, mais dans des rapports égalitaires qui laissaient une place à l’animalité des femmes (je n’ose tout de même pas de parler de sensualité pour ne pas entrer dans les préjugés autour de la féminité, lesquels seront abordées par la bande plus loin).

Également, quand on parle des besoins des hommes, on fait référence à une bonne part de culturel. Car, en effet, les besoins des femmes sont exactement les mêmes (manger, dormir, boire, respirer, recherche du plaisir et de l’équilibre) et ce qui se pratique d’un côté, se pratique également de l’autre (l’infidélité, notamment). Pourquoi parle-t-on plus des besoins des hommes ? parce que c’est culturellement admissible d’en parler. Pourquoi les femmes semblent moins afficher ou même moins nourrir cette partie d’elle-même ? parce que c’est culturellement moins accepté. En pornographie, quel est notre rôle, d’ailleurs ? Se montrer disponible, agir et se laisser faire pour le bon plaisir de CES messieurs. Et qu’est-ce qu’on en récolte ? Si l’on observe (ou regarde et écoute des vidéos), on voit que la femme est constamment insultée, on la traite de salope au sens de « qui aime les choses sales », puisque nous ne devrions pas aimer ce qui fait tant plaisir aux hommes ! Et si l’on commençait par là ? Si l’on disait : moi aussi je suis un être sexué, moi aussi je veux me retrouver dans la pornographie, je veux voir de vraies femmes qui demandent, qui reçoivent et qui jouissent, qui se font respecter ou, s’il y a des insultes (comme un jeu), que les rapports soient égalitaires !

Ensuite, au sujet des préliminaires, là aussi, c’est plutôt culturel ! Il me semble que la vie en soit est un préliminaire et qu’on peut les aimer ou non. Et même, ce qu’est pour moi un préliminaire n’est pas la même chose pour quelqu’un d’autre, alors si un massage semble nécessaire pour quelqu’un, un regard coquin sera suffisant pour un autre. Et que si on aime une pratique précise, mieux vaut trouver un partenaire qui l’aime aussi qu’un qui ne l’aime pas, comme on préférera un sportif si l’on aime faire du sport en couple !

C’est comme si, en matière de sexualité, il y avait de grandes vérités sur ce qui est bon pour l’un et l’autre et ce qui ne l’est pas ! Ainsi, les femmes qui adorent le sexe et qui se foutent des préliminaires sont jugées malsaines (ou pas féminines, ce qui est pire!) et les hommes qui n’aiment pas ou peu le sexe et préfèrent les caresses sont jugées malsains également ! Pourquoi ne pourrait-on pas, comme pour la nourriture, détester le chocolat et lui préférer les chips ?

Si on aborde l’objectif de notre sexualité, on voit que, là aussi, on a émis de grandes vérités ! Un début (préliminaire), une fin (orgasme de l’homme) = relation phallocentrique ! Qu’est-ce que le phallocentrisme ? C’est l’idée que tout commence par une érection et finit par une pénétration (peut importe l’endroit, disons-le) et une éjaculation. Quand on est une femme, où est notre place dans ce type de raisonnement ? Nulle part ! Nous, on peut jouir au moment où on le désire, mais entre ces deux moments… il suffit de se louer quelques films d’amour et des téléséries lors des scènes de couple pour le voir avec une évidence déconcertante : l’idée-même de sexe et centrée sur le rapport de pénétration phallo-vaginal. Youpi pour la diversité ! Ainsi, on est obligé d’observer un certain taux de représentation des minorités visibles dans ces émissions, mais on peut montrer toujours le même rapport sexuel ad nauseam !

Redéfinissons donc une relation sexuelle comme étant un moment de plaisir charnel que l’on s’accorde en relation avec une personne (peu importe le type de relation, peu importe le sexe de la personne, peu importe le rapport sexuel et même si l’on ne se touche pas réciproquement!). Ainsi, on évacue les buts judéo-chrétiens (procréation), techniques (pénétration ou pas) ainsi que relationnel (amour!) pour ne garder que l’essence (et ce qui entraîne un respect mutuel) : le plaisir ! Après, tout le reste, c’est une question de valeurs et de croyances et ça ne peut pas être pris comme des règles à appliquer par tous (la contraception ou la non-contraception, la relation monogame long terme ou la liaison). Et les pratiques qui en découlent sont aussi influencées par le culturel (j’en ai assez parlé), par les goûts et par les modes (d’ailleurs, de nos jours, la mode est aux fellations et le cunilingus est « out »… mais personne ne vous force à suivre la mode !).

Si je ne peux pas savoir ce que ressent vraiment un homme à ce moment-là, je sais que nous avons les deux le même but, que nous partageons une sensualité (plaisir des sens) et que, à moins d’être déviant, le plaisir de l’un nourrit, entraîne et décuple le plaisir de l’autre (peu importe les gestes en soit, et leur brutalité/douceur) ! Je sais aussi que, tous les deux, nous avons envie de préserver notre santé en se protégeant contre les ITSS (anciennement MTS). Si nous sommes vraiment responsables, nous partageons également le désir de procréer ou pas et donc, en conséquence, celui de se protéger ou pas. Bien sûr, on se plaint souvent que c'est l'apanage des femmes, mais quand un homme est responsable, il désire naturellement (je ne parlerai pas de ma vie privée, mais j'espère que vous aussi avez eu suffisamment de rencontre avec le sexe opposé pour vous en être convaincu) s'assurer de la sécurité de son rapport en accord avec son désir d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant de cette rencontre. Ainsi, nous modifierons nos comportements en conséquence : contraception ou pratique sexuelle sans pénétration et sans risque.

En ce cas, payer pour donner du plaisir (et en recevoir) avec quelqu’un que l’on aura pas eu la peine de séduire (l'argent remplace donc cet effort et ne représente plus un pouvoir ou une autorité sur l'autre), serait correct, autant que l’électricien qui ne serait pas venu chez moi gratuitement pour nourrir sa passion pour les branchements électriques, mais qui le fera contre rémunération. Mais on sait bien que ce n’est pas ça du tout, la prostitution, telle que nous la tolérons aujourd’hui ! Ou, quand c'est le cas et que des travailleuses du sexe ne sont pas en situation de fragilité ou de désensibilisation et qu'en plus elles pratiquent un "safe sexe" en plus de faire partie d'un regroupement associatif, elles n'en sont pas plus protégées par des lois et/ou des recours !

Alors au sujet de la nature de l’homme et de la femme – des natures, devrais-je dire – je n’en suis pas convaincue du tout ! Et la question à savoir si on pense pareil ou pas, j’ai toujours trouvé que ces différences étaient soit individuelles, soit culturelles, soit les deux. Ainsi, celui qui a vécu entouré de soeurs, n’est pas comme celui qui a vécu entre garçons ! celui qui a grandi dans une famille matriarcale (mon cas), n’est pas le même que celui qui a grandi avec un père macho ! Je pense qu’on est différent de l’un à l’autre comme deux êtres humains avec deux vécus et deux corps différents et non pas comme un homme (et là, on doit se référer aux stéréotypes pour établir sa nature : viril, sûr de lui, fonceur, rationnel, fort, attirés par les sports, la compétition, la reconnaissance sociale, l'actualité et les grands débats) et une femme (sensible, instinctive, maternelle, réservée, plus faible, attirées par la communication, les consensus, le maintien du foyer, les petits choses, le détail). En prétendant qu’il y a une nature, on force sur les différences, on crée des complexes à ceux qui se retrouvent hors-catégories (dont je suis, vraisemblablement, étant fonceuse, sûre de moi, rationnelle, maternelle et instinctive, attirée par l'actualité, la reconnaissance sociale, les grands débat et le maintien du foyer!) et finalement, on empêche une harmonie qui pourrait être facilitée par une absence de préjugés et de mythes tout en étant nettement plus efficace et enrichissante.

J’ai autant d’amiEs hommes que femmes, à certains moments de ma vie, j’ai penché plus d’un côté que de l’autre suivant le contexte (les grossesses entre filles, les sports entre garçons, etc.). Pour moi, je ne fais jamais primer le sexe de la personne sur la personne elle-même; ainsi, quand j’aborde quelqu’un, je l’aborde en tant qu’être humain, en tant que personne, donc. Et je HAIS quand quelqu’un (le plus souvent un homme dans mon cas), m’aborde en tant que FEMME, car alors, il cherche nos différences, il entre en mode séduction, lequel est pour moi un choix conscient et non pas une obligation de genre puisque l’amitié peut être envisagée autant entre personnes de sexes opposés qu’entre personnes de mêmes sexes – autrement, les homosexuels ne pourraient avoir des amis de même sexe ! – et on ne peut plus discuter rationnellement !

Bref, tout ça pour dire que, si l’on juge que la prostitution est nécessaire, alors elle doit l’être pour tout le monde (pas pour chacun, on s’entend, je veux dire pour les deux sexes – en effet, combien de femmes se languissent-elles ?), et si l’on juge qu’elle n’est pas bonne, elle ne l’est pas pour tous également. Bref, je pense que nous, les femmes, ça nous paraîtrait moins choquant si la pornographie et toute l’industrie du sexe était éthique et équitable (et si tout le monde pouvait avoir du plaisir !)… Mais là-dessus, si j’en crois mes lectures présentes et passées, on a un tabarnouche de chemin à faire ! Féministes : voici notre prochain combat ! Et entre temps, jouissons de nos corps en compagnie ou non de nos partenaires (masculin ou non, multiple ou singulier) ! Et oui, nous avons le droit d’aimer ça ! Et autant que les hommes !

Et pour rassurer l’auteure, je dirais que, pour avoir poser la question dans mon entourage également, j’ai rencontré beaucoup d’hommes qui ne sont pas en faveur de l’industrie du sexe actuelle et qui aimerait plus de respect pour les femmes, leur travail et leur corps; beaucoup qui n’en consomment pas du tout et ne se sentent pas attirés par cette « voie de communication ». J’ai aussi rencontré des hommes inconscients, qui n’ont jamais lu sur la prostitution, qui n’ont jamais entendu parler de ce qui se fait ailleurs ou de ce qui s’est fait dans l’histoire, qui ne connaissent rien non plus de la traite des femmes (et des enfants)… à ceux-là, comment leur reprocher leur manque d’empathie ? C’est de l’ignorance… Et d’autre naïfs qui se plaisent à répéter : mais c’est le plus vieux métier du monde !


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