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Les femmes et l'aliénation patriarcale


Le mot « patriarcat » fait peur. Qu'est-ce que cela veut dire ? Simplement : « Système politique et social dans lequel le père détient l'autorité1 ». Le père, l'homme de famille, le père de l'Église, Dieu le père. Ce que j'aime de ce terme, c'est qu'il met l'accent sur quelques hommes qui briment les femmes et sur les comportements de plusieurs hommes qui contribuent à maintenir l'aliénation de celles-ci plutôt que de représenter le mouvement féministe comme une lutte CONTRE LES HOMMES. Le féminisme lutte CONTRE LE PATRIARCAT.

Toute la culture occidentale est patriarcale; toute l'histoire se lit comme une absence de droits fondamentaux pour les femmes, de courtes et de faibles victoires entre les révolutions et les changements de pouvoir et un retour au degré zéro pendant les nombreuses dictatures. Par conséquent, malgré le goût amer que procure toujours l'étude des droits des femmes à travers les époques dans notre société, il faut noter, et c'est généralement oublié dans tous les livres d'Histoire, que toutes les femmes n'ont pas été soumises. En effet, les victoires ont toujours été associées à des débats, des luttes, des manifestations de femmes et d'hommes appuyant la cause. À titre d'exemple, je vous suggère la lecture de l'Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, du collectif clio dirigé par Micheline Dumont (1992).

Pourtant, on aime se représenter l'histoire du féminisme comme apparaissant en 1970 dans un contexte historique précis permettant son développement. Sans nier le contexte favorable, il ne faudrait pas tomber dans une analyse marxiste vulgaire où tout mouvement tire sa motivation dans l'économie (et donc, comme on l'apprend encore, que le mouvement féministe est causé par la deuxième guerre mondiale et le manque de main-d'oeuvre masculine), comme si les femmes n'avaient pas une lutte bien à elles à mener ! Comme si les femmes de toutes les époques n'avaient pas espéré avoir les privilèges réservés aux hommes ! Mais l'image de la femme soumise nous plaît. Elle nous permet de se dissocier complètement de CES femmes-LÀ. Nous ne sommes pas ELLES. NOUS sommes LIBÉRÉES, pas elles.

Cependant, à faire une liste des possibles preuves de notre aliénation, je ne parlerais pas trop vite : pour les vêtements, collants et sous-vêtements inconfortables en tissu synthétique favorisant les vaginites dont l'unique but est de mettre en valeur nos formes, talons hauts modifiant la position de toutes les parties du corps dont le but est de mettre de l'avant les seins et les fesses, symboles sexuels par excellence, soutien-gorge moulant une forme artificielle aux seins, port obligatoire de la jupe dans certaines compagnies; du point de vue de la santé, médecine qui commence tout juste à s'intéresser aux symptômes spécifiques des femmes, à leurs douleurs chroniques (qui seraient plus fréquentes et plus fortes que chez les hommes), à leurs cycles (ménopause), mutilation (chirurgie esthétique non nécessaire), culte du corps idéal qui met en danger la santé, refus des marques de la vieillesse qui pousse à se crémer de n'importe quelle molécule cancérigène, position et lieu d'accouchement qui mettent en danger la santé de la femme et du bébé; du côté des salaires, l'équité toujours pas atteinte, la rémunération moyenne des femmes toujours en dessous de celles des hommes; socialement, les femmes généralement cheffe de famille monoparentale, les hommes désengagés, la violence conjugale, les agressions sexuelles pour lesquelles nous sommes les victimes statistiquement sur-représentées, alouette ! Mais surtout, derrière tous ces exemples factuels, un code, une doxa de la féminité qui ressemble encore à celle des siècles passés et qui nous rend léthargique pour défendre nos droits et demander le respect de nos personnes.

Femme : mystère, instinct, maternité, foyer, confidente, consensuelle, sensuelle, berceau de la vie, force de caractère (à ne pas confondre avec sale caractère), deux seins, un vagin, des courbes, des cheveux, des soins esthétiques particuliers, des bijoux, mode relationnel sous forme de séduction.

Les féministes de toutes les époques nous ressemblent. NOUS sommes ELLES. Nous nous complaisons à accepter l'inacceptable. Nous tolérons la misogynie quand elle sort de la bouche d'un ami, du conjoint d'une amie. Nous tolérons le sexisme en publicité. Nous acceptons que les images de la beauté ne soient pas diversifiées et qu'elles mettent en péril la santé des femmes qui les représentent (et de celles qui y aspirent). NOUS SOMMES SOUMISES. Le pire, c'est que nous osons nous empresser de dire que nous ne sommes pas féministes. Car être féministe est souvent péjoratif. C'est une accusation, un blâme.

Moi, je veux être comme ELLES, celles qui ont milité pour l'obtention de droits. Je veux poursuivre leurs luttes, défendre de nouveaux enjeux, aller plus loin. J'aspire à être ELLES, mais pas du côté des soumises, du côté des REBELLES.

Être rebelle,
  • C'est dénoncer le sexisme, même dans la bouche de l'oncle de notre conjoint.
  • C'est refuser d'acheter le produit d'une entreprise faisant des publicités sexistes (une bière coors ou bud!, un repas à la Cage aux Sports!, des vêtements American Apparel!, des produits Gucci!).
  • C'est demander une représentation diversifiée du corps des femmes dans les médias, des rapports hommes-femmes, des rapports sexuels (j'ai déjà parlé de notre perspective phallocentrique dans mon texte sur la prostitution).
  • C'est demander le droit de disposer de mon corps comme bon me semble (liberté sexuelle, responsabilité, liberté de choix d'avoir ou non des enfants, liberté d'accoucher comme je le souhaite, liberté de prendre en charge ma santé).
  • C'est demander le même salaire et les mêmes possibilités de scolarisation, de réalisation et de carrière que les hommes sans égard pour mon sexe, mon âge, ma situation familiale, mon orientation sexuelle et mes croyances personnelles.
  • C'est demander que l'on reconnaissance mon apport à la société en tant que personne peu importe que je sois productive (dans le sens économique du terme) ou non, salariée ou non, et reconnaître cet apport par un revenu décent (femmes au foyer, je vous appuie!).
  • C'est demander que l'on cesse de sexualiser les personnes, en particulier les enfants, en leur dictant ce qui est pour garçon et ce qui est pour filles, que l'on cesse de sexualiser leurs vêtements, leurs jouets, et que l'on cesse de sexualiser nos rapports avec eux (brusquerie avec garçons, commentaire sur l'apparence physique avec filles); bref, que l'on cesse de creuser un gouffre de différences entre nos sexes et que l'on mise sur nos ressemblances.
NOUS SOMMES DES PERSONNES. Nous réclamons la même part du gâteau que les hommes. Nous avons le même appétit. Plus, nous en voulons aussi pour nos petits. Nous ne les oublions pas. Femmes en santé, enfants en santé. Femmes respectées, respect pour tous.

Enfin, être REBELLE, c'est faire une femme de soi.
Être REBELLE, c'est faire un homme de soi.
Unissons-nous. Ne soyons plus SOUMISes au patriarcat.
1Le Dictionnaire [En ligne] http://www.le-dictionnaire.com/definition.php?mot=patriarcat

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