C'est quoi le projet?

Ce blogue est resté silencieux très longtemps. Tellement longtemps que j'ai le syndrome de la page blanche. Depuis le dernier article (et entre chaque article), j'ai écrit quelques brouillons sur divers sujets, généralement féministes. Dans mes petites notes de cellulaire, il y a une dizaine de sujets potentiels notés au gré de mes réflexions. Certains impliquant des scénarios de vidéos ou des planches de BD, autant de talents que je ne possède pas.

Quel est l'avenir de ce blogue? des blogues en général?

Au départ, j'ai créé ce blogue parce que l'écriture me brûle les doigts depuis toujours. J'ai débuté ce blogue avec la peur de demeurer une écrivaine de tiroir si je ne passais pas d'une manière ou d'une autre de l'écriture personnelle à la publication. J'avais déjà envoyé plusieurs articles à des journaux et j'étais tannée que ce soit le journal qui décide si mon article était de bon ton. Surtout, j'avais besoin d'écrire des articles de fond et non des opinions de 600 mots. J'avais besoin d'indépendance pour choisir mes sujets. J'aurais pu participer (et je l'ai fait!) à des projets d'écriture collectifs, mais la plupart demeurent montréalocentristes - généralement sans même s'en rendre compte! 

Qui lit des blogues encore aujourd'hui? 

On dirait que tout se passe dans l'éphémère des réseaux sociaux, puis meure dans les limbes d'Instagram, Youtube, Facebook, Tik Tok, comme un immense dépotoir de l'instantanéité. Les vidéos des influenceurs et influenceuses sortent chaque semaine, les publications sont quotidiennes, parfois plusieurs fois par jour : vite, on produit le contenu; vite, on veut le consommer; vite, on le partage et c'est viral; vite, on l'oublie et absorbe le prochain contenu. 

Quand j'étais petite, je tentais d'imaginer l'univers en perpétuelle croissance. L'astrophysicien Hubert Reeves dit que l'univers se refroidit et s'obscurcit (1). Maintenant, j'ai le même sentiment de panique quand je visualise la toile s'agrandissant de toutes nos publications seconde par seconde, créant de plus en plus de vide entre la matière. Est-ce encore responsable de publier du contenu? de participer à cette accumulation sans fin? à cette soif insatiable de consommation?

L'univers pré-google et pré-facebook

Je l'avoue, je suis nostalgique de l'époque pré-google et pré-facebook. Je suis nostalgique de faire une recherche web qui ne tient pas compte de mes préférences générales, de ma "bubble" (2) et qui me donne accès à l'immensité de la toile, plutôt qu'aux minces limites de ce qui m'est familier. Les GAFAM de ce monde (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft - et leurs petits comme Instagram, Youtube, ) ont gentiment construit des murs à l'orée de nos frontières, avec notre plus grand contentement. Ces mêmes murs contre lesquels nous nous insurgeons généralement dans le réel, quand il en va de ceinturer la frontière mexico-américaine. Comme quoi nous n'avons toujours pas assimilé que le virtuel est réel. 

C'est probablement avec la même naïveté pré-virtuelle que nous laissons nos enfants y passer des heures, exposés toutes les 5 à 30 secondes à une publicité commerciale explicite ou cachée, quand ce n'est pas tout le contenu en soit qui est une publicité cachée (le "unboxing", les "24 h challenge", les vêtements, produits de beauté et voyages des influenceurs et influenceuses, les "challenge" de services à l'auto, etc.). Deux beaux outils à consulter : une vidéo (3) et un site pédagogique québécois (4) avec vidéo.

Je m'ennuie des réseaux sociaux pré-facebookiens : des forums de discussion internet par sujet, qui regroupaient des milliers de personnes diverses sans limitation de la confidentialité, sans avoir accès à leur photo de profil, de couverture, leurs liens sociaux, sans publicité. J'ai reçu un courriel récemment de Voyage Forum annonçant sa probable fin et tentant de remédier à la situation par une levée de fonds. Et je me suis dit : cette époque des forums est révolue. Pourtant, je consulte régulièrement Comment ça marche et Doctissimo, de même que des forums obscurs de témoignages érotiques (big fan de nouvelles érotiques amateures! J'ai même songé plusieurs fois à lancer un blog de récits érotiques féministes!). Et je me console, Wikipédia, incroyable succès d'une encyclopédie collaborative (à laquelle je collabore, notamment en luttant contre le cyber-sabotage des masculinistes) qui s'est imposée comme une source généralement fiable et crédible! Ça, c'est le web auquel je rêve!

Un projet si prometteur

Or, internet est une grande déception. En ce sens qu'il est exactement comme le vrai monde : chaotique, désorganisé (qui peut réellement croire à de grands complots?), entrecoupé de violences, de bons coups, de virus (tous créés par des humains, dans le cas des virus informatiques, n'est-ce pas épouvantable?), pollué par le capitalisme qui a transformé le plus petit furetage en ligne en une potentielle occasion commerciale et qui a perverti le sens du mot "gratuit" et "accessible". Je ne sais pas, j'avais imaginé que le net serait mieux, en 2020, qu'il ne l'est.

Personnellement, je n'ai pas l'énergie - ni les connaissances - de quitter les GAFAM pour migrer vers Linux, utiliser les moteurs de recherche moins performants (mais à visée écologique) que sont Lilo ou Ecosia, programmer mon propre blog en dehors des interfaces en ligne, trouver autre chose que googlemap pour me localiser, etc. Je galère déjà avec mon compostage à la maison, ça va faire, la charge mentale! Où sont les pendants alternatifs de ces brillants jeunes hommes blancs hétéros de classe moyenne-supérieure qui dominent les TIC?

Un blog féministe pour lutter contre le machisme en ligne

J'ai aussi créé ce blogue dans le but de produire du contenu féministe et alternatif en ligne. Les internets sont surchargées de contenus clichés, stéréotypés, superficiels, commerciaux, illicites. Surtout, le net est macho, raciste, homophobe, hétérosexiste, capacitiste, élitiste, classiste, âgiste, grossophobe, etc. Il n'est pas à part du reste de la société, bref! Pour moi, un blogue féministe, anticapitaliste et alternatif était comme un cri dans la nuit. Une lueur d'espoir pour les internautes, un véhicule d'éducation populaire comme un autre.

Depuis 2012 ceci dit, le féminisme est revenu à la mode (ou peut-être est-ce seulement ma "bubble"!). Tous les printemps l'ont fait fleurir. Les solidarités internationales sont plus que jamais possibles, notamment en lien avec le mouvement pour le droit à l'avortement et celui contre les violences sexuelles qui a donné lieu au merveilleux et émouvant Flash mob El violador en tu camino, un hymne et une chorégraphie qui ont été repris à travers le monde et adapté à tant de langues, cultures et réalités. Voici la version de Québec (5). Il pleut des blogs, des pages Facebook, des pages Instagram et des chaînes youtube féministes! Je poursuis toujours le projet de vous lister mes préférées (6), mais il y a le défi du cycle de vie très bref de ces projets (on pourrait en dire autant du mien).

En attendant, mon questionnement demeure : c'est quoi le projet avec ce blogue? avec un blogue. Y a-t-il un avenir pour les blogues? Y a-t-il un public? Et quelles sont ses attentes?

Autrement, je dois réfléchir à un nouveau projet, une nouvelle voie d'écriture ou d'expression. Je devais utiliser mon automne pour faire une grande remise en question. À la place, j'ai bâti une remise et je me suis posée beaucoup trop de questions impliquant des vis et des mesures impériales.

Je me sens comme le gouvernement de Legault, comme la société à l'ère de la COVID : je n'ai pas de projet (en tout cas, contrairement à la CAQ: pas encore).

Références :

(1). Hubert Reeves. "Réflexions sur quelques interrogations de la cosmologie contemporaine". https://www.hubertreeves.info/ecrits/reflexions.html

(2).  Elis Pariser. The Filter Bubble. Ted Talk et livre. https://www.ted.com/talks/eli_pariser_beware_online_filter_bubbles?language=fr

(3). "Repérer la pub cachée chez les influenceurs", Vincent d'Internet : https://www.youtube.com/watch?v=KU4N-Ioii8Y

(4). "Les influenceurs sous la loupe ou comment reconnaître la publicité caché". École branchée. Enseigner à l'ère numérique. https://ecolebranchee.com/les-influenceurs-sous-la-loupe-ou-comment-reconnaitre-la-publicite-cachee/

(5). Le Flash mob organisé par le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale :http://www.rgfcn.org/nouvelles/147-un-flash-mob-contre-les-violences-faites-aux-femmes-ici-et-ailleurs-le-violeur-c-est-toi

(6). Je pense à : 

• Je suis indestructible, des paroles de survivantes d'agressions sexuelles et de viols : https://www.jesuisindestructible.com/
• Françoise Stéréo, une revue féministe collaborative : http://francoisestereo.com/
• Je suis féministe, un blogue québécois de jeunes féministes : https://jesuisfeministe.com/
• De colère et d'espoir, le blogue de Suzanne Zaccour : https://decolereetdespoir.blogspot.com/
• madmoiZelle, un magasine féministe qui me rend sincèrement jalouse : https://www.madmoizelle.com/
• Laci Green, une youtubeuse sur la sexualité féministe : https://www.youtube.com/user/lacigreen
• Sans compter les nombreuses références de ma bibliographie pour une parentalité féministe et alternative. 

Il y en a tellement d'autres que j'accumule dans mes favoris en tentant vainement de les classer par thématiques! Un jour... un jour...